Résumé
Les équations différentielles ordinaires (édo) ont été bien étudiées par les historiens des mathématiques. Cependant l’étude des équations différentielles « raides » est relativement récente, et n’apparait pas dans cette littérature. En 1952, Curtiss and Hirschfelder, de l’université du Wisconsin, ont donné un exemple d’édo raide. Ils ont aussi introduit les concepts de méthodes de solutions numériques « explicites » ou « implicites ». L’équation est implicite si l’inconnue apparaît à gauche et à droite de l’équation différentielle. Un problème de valeurs initiales est dit raide (stiff en anglais) s’il est (extrêmement) difficile de le résoudre par des méthodes explicites. Ces problèmes existent souvent en théorie du contrôle, dans l’étude des réactions chimiques, etc. Le principe de cette définition est différent de la question de savoir si le problème mathématique est bien posé, ou sous quelles conditions il l’est. Il est lié à la robustesse des algorithmes numériques.
Tout d’abord, on passe brièvement en revue l’histoire des méthodes explicites et des méthodes implicites, notamment le travail original et éclairant de Cauchy en 1824 sur la méthode implicite dite d’Euler et la méthode du trapèze. On présente ensuite les méthodes à un seul pas (l’école allemande) et les méthodes à pas multiples (l’école anglo-saxonne). On examine ensuite le problème des erreurs de troncature locales et globales pour un problème de valeurs initiales; un problème déjà esquissé par Euler, celui du contrôle du pas d’intégration; celui de la stabilité et de la condition d’un problème; puis l’exemple de Curtis et Hirchfelder en 1952 d’équation différentielle raide. On finit par l’époque moderne et le concept de stabilité A.
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Notes
- 1.
Déjà en 1748, dans son livre Introduction à l’analyse infinitésimale, Euler fait la distinction entre les fonctions explicites et les fonctions implicites. Pour lui, une fonction est explicite lorsqu’on peut la calculer au moyen d’un nombre fini d’opérations élémentaires portant sur les variables ou les constantes. Elle est dite implicite dans le cas contraire.
- 2.
Lyapounov prouve les questions de stabilité par deux méthodes distinctes (Lyapounov 1907; Parks 1992; Leine 2010). Dans la première méthode, dite méthode indirecte, il utilise un processus de linéarisation. La deuxième méthode, dite méthode directe, est plus générale. Elle est liée à un théorème de Lagrange-Dirichlet. Dans son mémoire, Lyapounov définit son exposant caractéristique. Si deux points y1(t) et y2(t) d’un système dynamique sont initialement proches, c’est-à-dire que ||y1(0) – y2(0)|| est petit, alors l’exposant caractéristique est :
$$ \underset{\textrm{t}\to +\infty }{\lim}\frac{1}{\textrm{t}}\ln \frac{\left\Vert {\textrm{y}}_1(t)-{\textrm{y}}_2(t)\right\Vert }{\left\Vert {\textrm{y}}_1(0)-{\textrm{y}}_2(0)\right\Vert } $$(1)Dans la première méthode, Lyapounov se réfère en particulier à l’analyse de la stabilité locale des équilibres du système :
$$ {\dot{\textrm{y}}}=\textrm{f}\left(\textrm{y},\textrm{t}\right). $$(2)On peut considérer la dynamique de (2) au voisinage de l’origine comme une perturbation du système linéaire :
$$ {\dot{\textrm{y}}}=\textrm{J}(t)\textrm{y};\textrm{J}(t)={\left.\frac{\partial\textrm{f}}{\partial\textrm{y}}\right|}_{\textrm{y}=0}. $$(3)Si toutes les valeurs propres du Jacobien ont une partie réelle négative, alors y = 0 est asymptotiquement stable, et si une valeur propre a une partie réelle positive, elle est instable. Cependant aucune conclusion ne peut être tirée dans le cas de valeurs propres ayant une partie réelle nulle.
Pour résoudre la question de stabilité lorsque (2) ne se prête pas à la linéarisation, Lyapounov a conçu sa deuxième méthode. À la place de l’énergie totale d’un système mécanique apparaît une fonction de Lyapounov V(y, t). Si sa dérivée temporelle le long des trajectoires de (2) est semi-définie négative, alors y = 0 correspond à un équilibre stable. Si la dérivée est définie négative, la stabilité est asymptotique. Voir Lyapounov (1907), Parks (1992) et Leine (2010).
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Godard, R., de Boer, J., Lewis, M. (2023). Les équations différentielles ordinaires « raides » et les méthodes robustes : une approche historique. In: Zack, M., Waszek, D. (eds) Research in History and Philosophy of Mathematics. Annals of the Canadian Society for History and Philosophy of Mathematics/ Société canadienne d’histoire et de philosophie des mathématiques. Birkhäuser, Cham. https://doi.org/10.1007/978-3-031-21494-3_14
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